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Photo du rédacteurEloïse Rocca

Black Flies, 2024



L’année dernière au Festival de Cannes débarquait un film que personne n’attendait vraiment, Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire. Coincé entre le film d’action façon blockbuster et le film indépendant façon auteur, cet ovni en a déconcerté plus d’un. Que l’on aime ou que l’on aime pas, les heures suivant la projection servent à sortir petit à petit de la jungle New-Yorkaise, laissant redescendre une certaine intensité. Celle-ci passe notamment par le son (trop fort lors de la projection cannoise malheureusement..), puissant, dérangeant, omniprésent. La scène d’ouverture donne le ton : à bord d’une ambulance qui traverse la grosse pomme à toute allure, on accompagne le jeune Ollie (le jeune Tye Sheridan) lors d’une de ses premières missions de secouriste, au son d’alarmes stridentes. Sur place, c’est le chaos autour des blessés par balles, dont Ollie et son nouveau partenaire expérimenté (Sean Penn) s’occupent. La tension est installée d’emblée, le bruit rend la concentration difficile et souligne le sentiment d’urgence et de stress. Cette première scène annonce la couleur des deux heures à venir. Deux heures inégales malheureusement.


En suivant deux urgentistes dans leur ambulance, Sauvaire embrasse un face à face très classique, et très américain. Le vieux qui a tout vu et le jeune bleu, le réalisme et l’idéalisme, la solidité et la faiblesse, l’expérience et l’apprentissage. C’est un duo comme on en a vu mille, ce qui rend difficile de s’attacher réellement à leur dynamique. Si ce n’est tout de même pour les acteurs. Tye Sheridan fait une fois de plus ses preuves dans son rôle le plus brut, face à un Sean Penn un peu trop ricain à notre goût européen (à coups de cure-dent en bouche et gueule cassée) mais très à l’aise en vieux de la vieille. On peut également reprocher au film un ventre creux vers le milieu, où l’on suit un fil rouge assez classique qui prend un peu de temps pour s’installer.


Mais la seconde partie du film renverse ces inquiétudes. On ne parle plus du duo, de leurs missions, le cadre a été posé et il est maintenant perturbé lorsque le personnage de Sean Penn dépasse une limite infranchissable. C’est alors une spirale infernale qui s’enchaîne et qui nous entraîne avec violence jusqu’au pire. Difficile de rester de marbre devant tant de dureté, surtout au travers d’un Tye Sheridan si performant. C’est par ses yeux que nous voyons le pire, et comme lui nous sommes sous le choc. Le voilà notre point d’ancrage. On s’accroche à Ollie et on se retrouve alors impliqués dans le film, dans cette fatale deuxième heure. On découvre ainsi petit à petit le véritable sens du titre. Les mouches noires, celles qui sentent la mort avant nous, celles qui encerclent les cadavres, qui vrombissent dans le chaos. Le bruit retentissant tout au long du film rappelle d’ailleurs ces vrombissements monotones, forts et insupportables. Les américains ont fait le choix de changer pour un titre moins sale, moins cru, Asphalt City.  


Un film comme celui-ci ne peut pas plaire à tous, surtout en Europe (Sauvaire exploite beaucoup de thèmes très américains dont nous sommes moins friands). La violence, en tant que sujet et medium, est omniprésente, dans un vacarme qui assourdit toute pensée, et certains peuvent y être très sensibles. Personnellement, j’ai été très touchée par le film et je ne suis pas prête de l’oublier. Avec sa mise en scène très originale, Sauvaire signe un puissant film, presque une œuvre expérimentale dans sa réalisation. Derrière celle-ci se trouve bien sûr un message, un signal alertant sur la situation des secouristes aux Etats-Unis (qu’on peut très bien étendre à chez nous). Il met en lumière ces métiers qui côtoient la mort au quotidien et qui demandent de perdre une part de son humanité pour sauver celle des autres.. mais à quel prix ?

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